« Quel avenir pour le métier de développeur web ? » Entretien avec Jerry Dumont d’Iters.io

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Il y a des personnes qui semblent avoir vécu plusieurs vies en une seule. Jerry est de ceux-là. Webdesigner, intégrateur, développeur front-end, développeur full-stack, chef de projet e-commerce, tech recruteur…mais également responsable de centre auto, directeur de magasin…Jerry a porté ces différentes casquettes au cours de sa carrière. Inséré dans le domaine du développement web depuis plus de 10 ans, il le connait bien. Au point qu’il a eu l’idée de lancer il y a quelques années Iters.io, une plateforme d’entraide dédiée aux métiers du numérique. Désormais chargé de recrutement au sein de la Wild Code School, une école proposant des formations accélérées aux métiers du développement web, il est plus que jamais en contact direct avec les nouvelles générations de développeurs. Il est donc le candidat tout désigné pour aborder un sujet que je souhaitais traiter depuis un moment : l’avenir du métier de développeur web.

 

Lesdevjuniors - Jerry Dumont - Avenir métier développeur web

 

On parle depuis des années du métier de développeur web comme étant un métier d’avenir, penses tu que ce soit toujours autant le cas ? Comment vois-tu le futur de ce secteur ?

Oui, je pense que le métier de développeur web est un métier d’avenir. Mais, pour moi, c’est surtout un métier du présent. Ce que je veux dire par là, c’est que c’est un métier qui a déjà beaucoup évolué, et qui va continuer d’évoluer dans les années à venir. Des besoins, des sujets à creuser, des opportunités, il y en a, et à mon sens, il va continuer d’y en avoir. Mais probablement sous une forme différente de ce à quoi nous avons été habitués jusqu’ici.

Le fait que la part des internautes passant par un smartphone plutôt que par un ordinateur soit en constante augmentation nous montre déjà une voie d’évolution possible. Et cela est confirmé par le fait qu’il y ait désormais des frameworks orientés développement mobile dont on entend de plus en plus parler : React Native, Flutter. On assiste également à un assouplissement des différents langages de base des OS (iOS passe sous Swift, Android passe sur Kotlin…). Donc, à mon avis, le développement mobile est une piste intéressante pour l’avenir. Mais c’est une piste potentielle parmi d’autres.

Dans tous les cas, je pense que les développeurs web de demain vont être obligés de se spécialiser de plus en plus. On verra de moins en moins de développeurs full-stack. Je pense également, du moins j’espère, que l’on va assister à une baisse du rythme de sortie de nouveaux frameworks. A mon sens, ce rythme effréné de sortie de nouvelles technos sur lesquelles on pousse les développeurs à monter en compétences fréquemment est un vrai problème. C’est surtout l’environnement JavaScript qui impose ce rythme. C’est impossible de suivre.

 

Je suis totalement d’accord avec toi là-dessus, c’est un vrai problème. Mais si cela peut avoir lieu, c’est bien que les entreprises suivent le jeu en s’alignant sur cette tendance, non ?

Je ne serai pas aussi tranché que toi… En tout cas, ce n’est pas ce que je vois. Il est vrai que les start-ups suivent globalement cette tendance, car elles veulent montrer qu’elles sont « à la pointe » technologiquement. Mais dans les grosses boites, dans les ESN, les gens n’ont ni le temps ni les moyens de former les effectifs à un nouveau framework tous les 6 mois. C’est tout simplement impossible. Donc, à mon sens, c’est une tendance qui est plutôt suivie par les start-up, et les développeurs. C’est tout.

 

A mon avis, le développement mobile est une piste intéressante pour l’avenir. Mais c’est une piste potentielle parmi d’autres…

 

Pour revenir sur ce que tu disais au sujet du développement mobile, c’est marrant car je me souviens qu’au moment où je me lançais dans le développement web (en 2014), j’entendais déjà dire que l’avenir du métier de développeur web, c’était d’investir sur des compétences en développement mobile. Au final, je n’ai pas l’impression que ce marché se soit développé tant que ça. Quand je regarde les offres d’emplois, ou les propositions de missions freelance dans le domaine du web, il me semble qu’il y a peu de choses qui concernent directement le développement mobile…

Le paradoxe c’est que la plupart des entreprises qui font du développement mobile demande aux gens qu’ils recrutent d’être formés sur les langages natifs iOs, Android etc… C’est comme ça qu’elles travaillent jusqu’ici, et elles n’ont pas forcément envie de changer. Mais, d’un autre côté, il faut prêter attention au boom qu’ont connu React Native et Flutter, comme je te l’ai dit précédemment. Désormais de plus en plus d’entreprises qui recrutent des développeurs web demandent ce type de compétences. Pas nécessairement pour que ces candidats ne fassent que du développement mobile. Mais ils recherchent des personnes capables de travailler sur du développement web classique, et qui soient également en mesure d’effectuer la version mobile.

Il y a aussi un autre point qui me fait dire que le développement mobile va prendre plus de poids à l’avenir: les problématiques énergétiques. Cette préoccupation est de plus en plus présente, et je pense qu’à l’avenir on va être obligé d’avoir un web moins énergivore. L’utilisation d’un smartphone demande moins de ressources énergétiques qu’un ordinateur. Cet aspect doit être pris en compte lorsqu’on parle de l’avenir du métier de développeur web.

 

Tu parlais tout à l’heure de spécialisation. Cela fait écho aux propos tenus par Pierre-Alain Schwerr lorsque je l’ai interviewé. Il me disait que, selon lui, un développeur web se formant aujourd’hui, s’il veut miser sur l’avenir, doit se diriger vers des compétences sur lesquelles il ne pourra pas être concurrencé par des outils de no-code. Il évoquait le développement blockchain et l’Intelligence Artificielle. Qu’en penses-tu ?

Je sais qu’il y a aujourd’hui un enthousiasme important autour de la thématique du no-code. Personnellement, je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée que le no-code puisse venir sérieusement concurrencer les développeurs web. Le no-code, c’est bien lorsqu’on souhaite faire un MVP, de l’automatisation de tâches, un site vitrine… Mais aucun CTO sérieux ne fera le choix d’utiliser un outil no-code pour développer une application web qui se doit d’être solide, scalable, sécurisée… Le no-code manque de flexibilité à ce niveau là, et lorsqu’on rentre dans des niveaux poussées de personnalisation, je ne vois pas comment le no-code peut représenter une solution adéquate.

Pour ce qui est des sujets porteurs pour l’avenir, personnellement, je citerai la cybersécurité en premier lieu. Je pense qu’il y aura énormément de choses à faire dans ce domaine. La blockchain est également un sujet d’avenir, bien sûr. Pareil pour l’IA. Mais, concernant ces trois différentes spécialisations, il faut tout de même noter qu’il ne s’agit plus vraiment de développement web. On peut presque dire que ce sont des métiers, des secteurs distincts. Développer des smart contracts n’a rien à voir avec le fait de développer une API web ou un site vitrine par exemple. De la même façon, travailler dans l’IA, c’est être plus proche de la partie “Data” que de la partie « développement web classique”… Mais sinon, il y a clairement intérêt à miser sur ces sujets. Pour être honnête, je pense qu’il va y avoir tellement de sujets de ce type qui vont se développer, tellement de spécialisations en tout genre, que je ne serai pas choqué de voir le métier de développeur web disparaître d’ici 10 ans. Je ne parle pas du développement en tant que tel. Mais du métier “généraliste” de développeur web tel qu’on le connait de nos jours.

Après, j’ai toujours tendance à rappeler que tout ce qu’on peut prévoir à ce sujet dépend avant tout de comment la société va évoluer dans les années à venir. Nous sommes dans une période d’instabilité, de transition, et il faut garder cela en tête lorsqu’on tente de faire des projections.

Je ne serai pas choqué de voir le métier de développeur web disparaître d’ici 10 ans. Je ne parle pas du développement en tant que tel. Mais du métier “généraliste” de développeur web tel qu’on le connait de nos jours.

Penses-tu que le métier de développeur web se soit simplifié avec le temps ? 

Je suis partagé là-dessus. D’un coté, il est plus simple d’apprendre le métier de développeur web aujourd’hui, car il y a énormément de supports et de contenu sur ce sujet. Mais, parallèlement, je trouve que le métier s’est complexifié. Aujourd’hui, l’étendu des compétences que l’on demande à un développeur web est bien plus vaste qu’avant. Et même au delà de ça. Il y a plein de choses qui prennent plus de temps aujourd’hui qu’à l’époque. Je prends l’exemple de l’hébergement web. Je vois beaucoup d’étudiants ou de développeurs juniors être en grande difficulté lorsqu’ils doivent effectuer la mise en production de leur application. Ce genre d’opération est devenu beaucoup plus technique. Bref, tout ça pour dire qu’il est difficile d’avoir une réponse unique à cette question.

 

Un dernier mot ?

Je précise juste que lorsque je dis que le métier de développeur web pourrait disparaitre à l’avenir, je parle bien du métier tel qu’on le connait actuellement. A moins que l’on assiste un jour à un vrai basculement de société type « effondrement », on aura toujours besoin de développeurs. Mais qui seront des développeurs applicatifs, dédiés à des secteurs, des tâches bien précises. On en a pas parlé, mais je pense  également aux ressources dont on va avoir besoin dans le domaine de l’automobile. Puisque le but est, à termes, de réduire la consommation d’énergie fossile, et que pour le moment, c’est l’électrique qui est envisagé, on peut envisager qu’il y aura des choses à faire en termes de systèmes embarqués, tel qu’à pu le faire jusqu’à maintenant Elon Musk avec Tesla. En parlant d’Elon Musk, il est fort possible que le domaine de la conquête spatiale se développe davantage, et créer donc des besoins en termes de développeurs… Beaucoup de pistes possibles donc, l’avenir nous en dira plus.

 

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