Se réorienter dans le développement web en 2023, le point de vue de Dario Spagnolo

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Depuis le début de ce blog, nous essayons de donner notre maximum afin d’apporter de l’information à toutes les personnes qui songent à se réorienter dans le développement web. Pour tout ce qui se rapporte à la formation en elle même, le contenu et les structures ne manquent pas. Par contre, en ce qui concerne tout ce qui peut aider à la prise de décision préalable, à la réflexion sur son avenir professionnel, à sa compatibilité avec le métier de développeur web…l’offre est beaucoup moins large. Si nous avons pu donner vie, et maintenir ce projet de blog, c’est aussi grâce à la contribution de toutes celles et ceux qui ont accepté de donner un peu de leur temps afin de réaliser un entretien. Et cela est particulièrement appréciable lorsque notre invité est, comme c’est le cas aujourd’hui, un entrepreneur aux multiples projets, pour qui le temps libre est forcément précieux. Dario Spagnolo est le fondateur de l’école O’Clock, première école de développement web en direct et à distance, et qui forme chaque année plusieurs centaines de futurs développeurs. Nous avons pu profiter de sa disponibilité afin d’aborder avec lui différents sujets autour de la question de la formation et de la réorientation dans le développement web.

 

Lesdevjuniors - dario spagnolo

 

Peux-tu nous rappeler rapidement ton parcours ?

Je dirais que pour moi ça a commencé très tôt, à 7 ans, lorsque mes parents m’offrent mon premier ordinateur, un commodore 64. Je me prends de passion pour le monde du digital.Toute ma jeunesse, j’ai entretenu cette passion, et ai appris beaucoup par moi-même, tant dans le domaine de la programmation que des réseaux, de la 3D, du hardware… Puis est venu un moment où j’ai compris que je pouvais vendre mes compétences. J’ai donc commencé à effectuer des prestations en tant que développeur web indépendant. On est exactement en 2002 à ce moment-là, j’ai 19 ans. J’ai pris de l’expérience en tant que développeur web professionnel au fil des années, puis j’ai décidé de monter mon agence web en 2007. Au pic de notre activité, on était 8 développeurs. A un moment, on était même premier sur le mot-clé “agence web Paris” ! On s’en sortait plutôt bien. Et c’est justement dans le cadre de cette activité que j’ai été confronté aux problèmes de recrutement lorsqu’on cherche des développeurs web. Je me prenais en pleine face la fameuse pénurie dont on entend constamment parler au sujet des développeurs ! J’ai commencé à me dire qu’il y avait des choses à faire afin de faciliter l’accès à ce métier. J’ai donc crée une première école de formation au métier de développeur web : la 3W Academy. Par la suite, j’en ai ouvert une seconde : Web Force 3. O’Clock est la 3e école que j’ai fondé.

 

De quand date précisément la création d’O’Clock ?

Le premier cours a été donnée en janvier 2017.

 

Tu évoques le fait de faciliter l’accès au métier de développeur. A ce sujet, est ce que tu penses que c’est un métier qui peut être pratiqué par n’importe qui ?

Je vais être assez tranché là-dessus : selon moi, ce n’est pas un métier voué à être praticable par tout le monde. C’est un métier particulier. Il faut accepter la sédentarité qu’il implique. Il faut également être en mesure d’apprendre constamment de nouvelles choses, de devoir se renouveler fréquemment…

En revanche, j’estime que tout le monde doit pouvoir être en mesure de s’y intéresser, et de se poser la question de savoir si on est fait pour ça, ou pas. C’est un métier sur lequel on peut facilement avoir des à priori. Il ne faut pas s’arrêter à cela, et pouvoir découvrir la réalité de ce métier, car même des gens qui pensent ne pas être fait pour cela peuvent en fait changer d’avis. Je suis donc tranché sur le sujet, et ouvert à la fois !

 

J’ai moi même fait une reconversion, en 2013. A cette époque, je me souviens qu’il y avait très peu d’écoles qui proposaient des formations accélérées en développement web, à partir de quand a commencé la vague de conversion en masse vers le développement web selon toi ?

Je vais être précis: on peut dater cela à l’année 2012. C’est à ce moment qu’on a importé en France le concept des bootcamps venus des États-Unis. C’est également à ce moment qu’émergent les écoles Simplon et 42. C’est d’ailleurs à cette période que j’ai fondé la 3W Academy. C’est donc autour de 2012 qu’à commencer à se constituer tout cet éco système dont peuvent bénéficier aujourd’hui les personnes qui souhaite se réorienter dans de développement web.

 

Comment a évolué le marché de l’emploi pour les développeurs selon toi ces dernières années ? On parle souvent de pénurie d’un coté, et de saturation de développeurs juniors de l’autre. Quel regard portes tu là-dessus ?

Pour ce qui est de la saturation, je pense que le terme est un peu exagéré, ou mérite d’être précisé. Il y a saturation sur des profils très peu expérimentés et en manque de compétences. Il est vrai que 6 mois pour se former à un métier aussi dense que celui de développeur, c’est court. Celui qui souhaite se réorienter dans le développement web doit être conscient du fait qu’il va devoir accorder des efforts et du temps de travail au delà de la simple formation. Mais, en prenant ce temps, soit en travaillant sur des projets personnels ou bénévoles, soit en enchainant sur une seconde formation en alternance, on arrive à atteindre le niveau de compétences qui permet d’être ensuite recruté assez facilement. Les métiers de la tech restent très porteurs, ça on ne peut pas le nier. Du travail, il y en a.

Pour ce qui est de la pénurie dont on entend parler depuis longtemps, j’ai l’impression que, sur ce sujet, la situation est la même qu’il y a 10 ans. A l’époque, on parlait déjà de pénurie. L’effet vicieux, c’est que cela peut induire en erreur des personnes effectuant une reconversion en se disant que, puisque le métier est en pénurie, le fait de trouver un emploi va être extrêmement facile. Il faut bien comprendre que la pénurie dont il est question existe pour des profils précis. Il y a pénurie sur des technos précises, ou sur des niveaux d’expérience précis. Mais il n’y a pas une pénurie globale et massive. Donc, lorsqu’on souhaite se réorienter dans le développement web, il ne faut pas se focaliser sur cette idée de pénurie.

 

Tu as une idée du pourcentage d’élève qui trouvent un emploi à l’issue de la formation de 6 mois effectué chez O’Clock ?

Statistiquement, on distingue ce qu’on appelle les sorties positives des sorties négatives.

  • Sorties positives : l’étudiant trouve un emploi de développeur web (ou dans un métier en lien direct avec ce domaine), ou accède à une formation d’un niveau supérieur, toujours dans le secteur du web
  • Sorties négatives : l’étudiant ne trouve pas d’emploi ou se dirige vers un secteur qui n’a rien à voir avec le développement web

Chez O’Clock, nous sommes à 70% de sorties positives. Certaines écoles affichent, sur leur site web, des statistiques fantaisistes approchant les 100%. Cela ne correspond à aucune réalité observable.

Je précise que cela est calculé sur une durée d’un an après la sortie de formation. Il faut savoir que, généralement, les trois premiers mois, il ne se passe rien. C’est souvent entre le troisième et le sixième mois que la situation change et que les embauches se font pour beaucoup de nos anciens élèves.

 

Celui qui souhaite se réorienter dans le développement web doit être conscient du fait qu’il va devoir accorder des efforts et du temps de travail au delà de la simple formation. Mais, en prenant ce temps […] on arrive à atteindre le niveau de compétences qui permet d’être ensuite recruté assez facilement. Les métiers de la tech restent très porteurs, ça on ne peut pas le nier. Du travail, il y en a.

Il y a des cas d’abandons en cours de formation ?

Oui, bien sûr. A chaque promotion, il y a des échecs. C’est normal. En réalité, les abandons sont rares. On les estime à moins de 3%. Ce pourcentage est faible car chez O’Clock, les élèves sont humainement bien entourés et il y a une dynamique très participative. Par contre, au delà des abandons, il y a ceux qui échouent à obtenir le certificat que l’on fait passer en fin de formation (le taux de réussite est d’environ 85%). Il faut savoir que le fait d’échouer à obtenir le certificat n’est pas une fatalité en soi. Certains arrivent à trouver un emploi malgré cela par la suite.

 

Quel est le pourcentage d’étudiants qui enchainent sur une seconde formation après la première de 6 mois ?

Je n’ai pas le chiffre exact. En tout cas, il s’agit d’une minorité. Je dirais entre 20% et 30%. Mais nous essayons de développer de plus en plus les formation avec contrat d’alternance. La formation en alternance est la meilleure porte d’entrée vers le marché de l’emploi. Cela allie directement théorie et pratique en entreprise, et c’est surtout par la pratique que s’apprend le métier de développeur.

 

Un mot sur ChatGPT et ton point de vue concernant l’impact de l’Intelligence Artificielle sur le métier de développeur web ?

Pour moi, à ce sujet, il va y avoir deux cas de figures que l’on doit distinguer :

  • les développeurs expérimentés, qui vont tirer pleinement partie du potentiel de l’IA. Pour ces profils, l’IA sera un moyen de faciliter certaines tâches, de faire des choses plus rapidement, sans remettre en question leur métier ni leur légitimité pour autant.
  • les développeurs ayant un niveau d’expertise bien moins approfondi, qui concentrent leur activité sur des tâches plus “basiques” (création de sites vitrines, par exemple). Pour eux, la situation est différente. Il est possible que, pour des prestations de ce type, l’IA permette le développement d’outils qui rendront facultatifs le fait de faire appel à un développeur.

L’IA permet en effet de rendre plus accessible des choses qui ne l’étaient pas auparavant. J’aime bien faire la comparaison avec l’impact qu’ont eu les smartphones sur le secteur de la photo. Auparavant, pour faire des photos de qualité, il fallait absolument faire appel à un photographe professionnel. Aujourd’hui, avec les smartphones, quasiment tout le monde dispose d’un appareil photo de bonne qualité, lui permettant d’immortaliser des moments de la vie de tous les jours facilement et de façon qualitative. Les gens ont gagné en autonomie là-dessus. Pour autant, on ne faisait pas appel à un photographe pour tout et n’importe quoi auparavant. Et aujourd’hui encore, pour des événements particulièrement symboliques, on continue de faire appel à un photographe. Tout ça pour dire que les gens ont gagné en autonomie, sans que cela fasse disparaître le métier concerné pour autant. J’ai la même vision concernant l’IA. Je suis assez optimiste à ce sujet. J’aime bien reprendre cette formule qui dit : “Ce n’est pas l’IA qui va te faire perdre ton métier, mais le développeur qui utilise l’IA”. Autrement dit, il faut faire attention à ne pas se faire dépasser sur ce sujet.

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